Qâra, Syrie, le 29 octobre 2017, 5h00 am
Les premières lueurs du Soleil caressent les reliefs de l’Anti-Liban. Il revêt une robe aux couleurs rougeoyantes pour accueillir l’astre céleste, coiffé d’une brume aux tons obscurément clairs.
Tout juste sorti de la torpeur de cette douce nuit passée dans le désert syrien, j’aperçois ce sublime spectacle des meurtrières de ma cellule, que je ne peux me permettre de délaisser sans l’immortaliser.
Au lieu idéal, je me hâte pour figer cet instant où la lumière, dont les rougeurs tirant déjà au vermillon, épouse si bien les lignes montagneuses.
Brusquement stoppé par un soldat de l’armée syrienne en ronde, je reste hagard. Essayant d’échanger, nous comprenons rapidement que nous n’allons pas nous comprendre, mon arabe étant faible et son anglais inexistant.
Le langage universel me permit finalement de me faire inviter dans leur retranchement local. Un instant plus tard me voilà en train de boire un café et fumer le narguilé avec Samir, 26 ans, papa d’une petite fille de 11 mois, combattant depuis 5 ans déjà.
Entre gestes et balbutiements étranges, nous conversons une heure durant. J’avais la gênante et effroyable impression de vivre ses récits de guerre et ses quelques vidéos d’assauts. L’expérience devenait formidable.
Je compris que ce brave Samir avait participé à la protection d’un village de vingt mille âmes contre les exactions de ces barbares qui font également couler le sang d’innocents sur le vieux continent.
Hier l’occident fêtait LE jour de morts [1er novembre], ici c’est un QUOTIDIEN.
Ces innocents : c’est vous, c’est nous. Ce village : c’était toi, c’était moi.
A cet instant précis et pour la première fois, je me sentais infiniment reconnaissant pour tous ces Hommes, Guerriers de l’ombre, Soldats inconnus. Comment les remercier ? Comment le remercier… Habillé à la hâte, les poches vides, je n’ai rien à offrir.
Soudain ébloui par ma montre reflétant ce même soleil qui avait provoqué la surprenante mais heureuse rencontre, je l’ôtais de mon poignet pour en habiller celui de mon tout nouvel ami.
Je me sentais si ridicule… Une simple montre ? C’était ça le prix du sang ? Malgré ma culpabilité inexplicable, Samir manifestait sa reconnaissance par une chaleureuse embrassade, touchant au revoir en guise d’adieu.
Expérience insignifiante et très personnelle, mais combien de choses ai-je vu de mes propres yeux en seulement deux jours entre le désert, Damas et Homs, dans cette Syrie souffrante, berceau d’une Humanité meurtrie.
De nombreux et vibrants témoignages pointent également l’ignominie de cette indescriptible guerre. Je vous invite par exemple à écouter le très touchant édito de Nicole Ferroni sur France Inter.
Bon dimanche à tous,
Raph.
PS : la vie continue ! Yalla !
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